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Animée par des bénévoles, l’association Hermione-La Fayette a choisi des professionnels pour construire le bateau. Une formidable vitrine pour le savoir-faire des entreprises régionales.
Un budget de 26,2 millions d’euros, un chantier de dix-sept ans et quelque 110 entreprises impliquées. D’abord une histoire humaine, la construction de l’« Hermione » fut aussi un pari technique et une aventure industrielle inédite. « Tout ce qui flotte est ancien, mais le reste correspond aux exigences de la législation : détection incendie, évacuation des eaux, électronique de navigation... », résume Michel Fulconsaint, qui dirige CGS, la chaudronnerie qui a fourni les différents réservoirs destinés au carburant des groupes électrogènes et à recevoir les eaux usées.
Car si l’association Hermione-La Fayette est animée par bon nombre de bénévoles, elle a, dès le départ, choisi de recourir à des entreprises et au professionnalisme. Notamment celui de la société Asselin, qui a construit presque toute la coque, les ponts et la mâture. Lorsqu’elle gagne le chantier en 1996, l’entreprise spécialiste du patrimoine, qui a refait une partie de la charpente du château de Versailles, se lance pourtant dans l’inconnu. Il a fallu apprendre en s’appuyant sur les documents d’époque de l’architecte Chevillard L’Aîné, traduire les cotes en système métrique, maîtriser le vocabulaire spécifique des charpentiers de marine et acquérir des techniques inhabituelles chez Asselin, comme celle de l’étanchéité. Pour la PME, qui a employé une dizaine de charpentiers pendant des années, l’ « Hermione » a non seulement généré 15 millions d’euros de chiffre d’affaires, mais aussi une belle notoriété, sans parler d’un prix décerné par l’Institute of Classical Architecture de New York. « L’ “Hermione” symbolise de façon éclatante le savoir-faire des PME françaises sur un projet complexe », résume François Asselin.
25 corps de métier
En 2007, alors que le navire n’avait que le tiers de sa coque, il a fallu passer à la vitesse supérieure. L’association a alors confié la maîtrise d’œuvre à Yacht Concept, un cabinet fondé par Laurent Da Rold, ancien directeur technique du chantier Fountaine Pajot. La PME de 8 personnes a multiplié les marchés avec quelque 110 entreprises de 25 corps de métier, depuis les voiliers, menuisiers et forgerons jusqu’aux électriciens et motoristes. « Nous n’avons jamais eu de pression pour recourir à des entreprises locales, mais, de Nantes à Bordeaux, le tissu industriel est tel que le chantier a pu s’appuyer sur des entreprises à 80 % régionales », explique Laurent Da Rold. Quelques-unes sont tout de même étrangères, comme la suédoise chargée du gréement ou le sculpteur anglais de la proue.
Avec tout au long du projet, nombre de défis techniques. Par exemple, trouver des bois courbes pour construire la coque ou comprendre la mécanique du gréement et de la mâture. D’autant que, malgré la difficulté à trouver du chanvre de qualité, les concepteurs ont refusé un gréement en acier et opté pour des cordages. En revanche, pour des raisons de sécurité, l’ « Hermione » possède un propulseur associant moteurs diesel et électrique à deux hélices omnidirectionnelles. Pour valoriser leur expérience, Asselin et Yacht Concept ont créé une entreprise commune, Chantier de l’Arsenal, avec pour ambition de se lancer à Rochefort sur le marché de la refonte de bateaux historiques.
Frank Niedercorn, Les Echos
Correspondant à Bordeaux
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